Sous-estimer la douleur des femmes ? Nous sommes en 2023, alors, bien évidemment, nous aurions tendance à affirmer que cela ne peut plus exister. Et pourtant… le syndrome de Yentl, s’il n’est pas nouveau, existe bel et bien. Et avec lui, le fait que l’égalité hommes/femmes n’a pas encore radicalement sa place dans le monde de la santé. Plus particulièrement dans la gestion de la douleur et des symptômes. Ce syndrome évoque la différence de prise en charge et de suivi médical entre les hommes et les femmes. Et comme vous allez le découvrir à la lecture de cet article, cette différence survit encore…
Qu’est-ce que le syndrome de Yentl ? D’où vient-il ? Pourquoi existe-t-il encore dans nos hôpitaux et cabinets médicaux ?
Le syndrome de Yentl, un biais de sexe révélé par Bernadette Healy
Petit voyage dans le temps, et retour en 1991. À cette date, Bernadette Healy est cardiologue, spécialiste de la prise en charge des troubles cardiaques féminins en milieu hospitalier. Elle est aussi la première femme directrice du National Institue of Health (Institut National de Santé). En tant que présidente de l’American Heart Association de 1988 à 1989, elle cherche à alerter le public sur ce biais sexiste qu’est la recherche de symptômes. Elle souhaite convaincre le public et le monde médical que la maladie cardiaque est également une maladie de femme, « et non une maladie d’homme déguisée ».
C’est en 1991 qu’elle utilise pour la première fois le terme de « syndrome de Yentl » en cardiologie. En donnant un nom à ce syndrome, elle lui offre également une réalité. Il y a une différence notable de prise en charge, de traitement et de suivi médical entre les hommes et les femmes.
Yentl, d’où vient ce nom ?
Le nom du syndrome, Yentl, provient de l’héroïne d’un roman écrit par Isaac Bashevis Singer et publié en 1962. Cependant, c’est l’interprétation de ce personnage par Barbra Streisand dans un film musical dramatique, sorti en 1983, qui l’a popularisé. Dans le roman, puis dans le film qui en est issu, l’actrice incarne une jeune femme juive en 1904. Elle se retrouve obligée de se déguiser en homme dans le but de recevoir l’éducation qu’elle estime mériter, dans une école juive pour garçons. Ce thème montrait déjà la différence entre les hommes et les femmes.
De la cardiologie à la médecine générale
Si ce terme est utilisé pour la première fois en cardiologie par Bernadette Healy en 1991, il est depuis étendu à différents types de pathologies et est utilisé de manière générale en médecine. Effectivement, cette manière de dénigrer les douleurs des femmes est observé également dans la prise en charge de bien d’autres pathologies. On le retrouve notamment dans la gestion des pneumonies, de l’insuffisance et des arythmies cardiaques, de l’implantation de défibrillateurs, du traitement du VIH, des investigations en cas d’AVC, des arthroplasties, et des greffes rénales… bref, dans toutes les branches de la médecine.
Syndrome de Yentl : pourquoi un traitement inégalitaire selon le sexe ?
En réalité, la raison première de ce traitement inégalitaire selon qu’on est un homme ou une femme est relativement simple, et tout aussi injuste. La recherche médicale s’intéresse en premier lieu au traitement des patients de sexe masculin. La science explique que c’est d’abord par facilité. En effet, les recherches scientifiques sont réalisées en tout premier lieu sur des rats de laboratoires, puis sur des humains. Et c’est là que la première injustice se focalise : ces patients sont majoritairement des patients de sexe masculin, dans 75% des cas. Cette disparité est due au fait qu’il serait plus difficile d’utiliser des patientes de sexe féminin, à cause des cycles hormonaux, ou des maux de la grossesse, par exemple.
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Par conséquent, la recherche se concentre essentiellement sur les symptômes masculins, ce qui conduit fréquemment à des diagnostics erronés chez les femmes pour des problèmes identiques. Et cela s’explique par une raison simple : les chercheurs n’étudient pas les symptômes spécifiques aux femmes. La crise cardiaque illustre parfaitement cette situation. Les médecins identifient clairement les premiers symptômes chez les hommes, comme une douleur dans le bras gauche ou une douleur thoracique. En revanche, ils ne considèrent pas les signes caractéristiques chez les femmes, tels que des difficultés respiratoires ou des nausées, comme des alertes. En conséquence, le corps médical ne se forme pas à reconnaître ces symptômes et rencontre davantage de difficultés pour diagnostiquer à temps une crise cardiaque chez les femmes.
Le syndrome de Yentl : en tant que femme, il est nécessaire de redoubler de vigilance
Voilà donc la conclusion malheureuse et pourtant réelle de ce syndrome de Yentl : lorsqu’on est une femme et qu’on éprouve des symptômes qui pourraient laisser penser à une maladie sérieuse, il est essentiel de redoubler de vigilance en exposant nos symptômes à un médecin. Quitte à insister pour être prise en charge, à balayer le dénigrement et le mépris dont on peut parfois être victime, à évoquer justement ce syndrome de Yentl en demandant, voire en exigeant, des examens plus approfondis.
Car, si biais sexiste n’est évidemment pas malveillant dans le fond, il peut néanmoins amener votre praticien, qui n’a peut-être pas le réflexe de prendre en compte la différence sexuelle des inégalités physiologiques, à minimiser certains signes. Cela est encore plus vrai lorsque ces douleurs se produisent lors de périodes telles que vos règles, votre grossesse ou encore après un accouchement. Ces symptômes pourraient alors facilement être mis sur le compte de vos cycles au lieu d’être perçus comme les signes d’une maladie. La vigilance est donc de mise !
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